Par Guy Millière
Je n’entends pas venir ici gâcher les attentes de ceux qui espéreraient que la paix est en train de poindre au Proche-Orient. Mais je ne puis m’empêcher d’exprimer mes doutes très profonds. Il y a bien pire que se tromper sur la réalité : c’est subir les conséquences qu’il faut parfois subir lorsque l’on s’est trompé.
Je considère que les dirigeants présentement au pouvoir en Israël ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités et ne sont en rien de la trempe de ceux qui font l’histoire et qui ont marqué, pour le meilleur, l’histoire passée du pays. Je vois en eux, pour l’essentiel, de médiocres politiciens aveuglés par l’opportunisme et des gens myopes, incapables de tirer les leçons des événements et d’avoir une pensée stratégique. Et je souhaite pour le futur d’Israël et, tout simplement, pour qu’Israël vive, qu’une alternance s’opère et permette un retour à la lucidité.
Car parmi les dirigeants palestiniens quels qu’ils soient, il n’existe aucun homme qui soit à même d’avancer vers la coexistence de deux Etats, Israël et un Etat palestinien nouvellement créé. Et je vois, entre Mahmoud Abbas et les dirigeants du Hamas, une simple différence de discours : celle séparant un héritier épuisé du système corrompu mis en place par Arafat et des héritiers excités du système fanatique élaboré par le cheikh Yassine.
Je discerne dans les propos récents de George Bush et dans l’appel lancé par lui à l’organisation d’une conférence de paix à l’automne, de simples paroles diplomatiques destinées à montrer sa « bonne volonté », dans un contexte où la situation intérieure américaine est difficile et où, dans le reste du monde, en Europe et dans le monde arabe sunnite, on attend, à des degrés divers, de la part de l’Amérique, des signes d’ « ouverture » et d’apaisement.
Les choses se clarifieront au fil des semaines. Il n’en reste pas moins utile de rappeler que :
- Le retrait de Gaza a eu pour conséquence visible la transformation du territoire en un repaire de terroristes plus assoiffés de sang que jamais, comme le prévoyaient les analystes les plus pessimistes à l’époque.
- La guerre, très mal menée voici un an contre le Hezbollah au Liban, a débouché sur un renforcement des positions du Hezbollah dans tout le Sud du Liban, comme le prévoyaient encore les mêmes analystes.
- Ce qui distingue la situation en Cisjordanie et la situation à Gaza est, comme l’ont dit les mêmes analystes, toujours, non pas tant que Mahmoud Abbas garde encore le contrôle en Cisjordanie alors qu’il l’a totalement perdu à Gaza. C’est qu’en Cisjordanie, Israël reste présent et garde les moyens d’éviter le pire, à savoir un glissement plus net vers le chaos.
- Les accords d’Oslo ont débouché très exactement sur ce que craignaient, dès l’époque, ceux qui parlaient de ruse totalitaire de la part des dirigeants palestiniens : un processus de guerre poursuivie par d’autres moyens que la guerre.
Olmert s’achète provisoirement un maintien au pouvoir. Abbas se paie une survie politique, elle aussi très vraisemblablement provisoire. Bush donne les gages qu’on attend de lui au sein de ce qu’on appelle la « communauté internationale » et aux yeux de ce qu’on appelle, aux Etats-Unis, les « réalistes » et les « modérés ».
Tôt ou tard, il faudra bien voir que l’Iran, la Syrie, le Hezbollah, le Hamas, al Qaïda sont de plus en plus hargneux et se préparent à la guerre, avec l’espoir évident de la gagner. Il faudra bien voir que les dirigeants de pays tels que l’Egypte et l’Arabie Saoudite craignent l’hégémonie iranienne sur la région, mais redoutent tout autant, de passer pour des pleutres vis-à-vis de leur population, prêts à se coucher devant l’Amérique et Israël. Il faudra voir que l’Europe est faible, relativement impuissante, plutôt lâche et préoccupée par ses intérêts commerciaux et énergétiques, davantage que par les valeurs éthiques. Ce qui la conduit à passer aisément Israël par pertes et profits, quitte à masquer cela derrière un discours hypocrite et à faire semblant de croire à sa propre « impartialité ».
Pour le malheur du monde arabe et du monde musulman du Proche-Orient, les dysfonctionnements qui ont entraîné le sous-développement économique, politique et culturel de la région sont toujours là. Ils continuent à nourrir aigreurs, frustrations, fantasmes et ressentiments, malgré quelques voix réformistes très minoritaires.
Pour le malheur plus grand encore des arabes palestiniens, ceux-ci composent une population prise en otage des calculs des potentats nationalistes arabes, d’abord, des visées apocalyptiques des leaders islamistes, ensuite, de dirigeants modelés pour servir les calculs des uns et les visées des autres, enfin. Il s’agit d’une population qui souffre d’être prise en otage depuis six décennies. Une population qui a été programmée par ses vrais tortionnaires (arabes) pour souffrir : c’est terrible à dire, mais c’est là un fait. C’est aussi une population qui, plus que toute autre dans la région, a été pétrie de haines et d’incitations à la violence la plus barbare.
La paix ne viendra pas des lunettes roses de Shimon Peres, du siège auquel s’accroche Ehud Olmert, de la bouée de sauvetage à laquelle Abbas cherche à s’agripper, ou des paroles tenues par George Bush pour les caméras de télévision. Elle ne viendra pas de nouveaux retraits israéliens suivant le retrait de Gaza, de la libération massive de terroristes, telle celle qui vient d’être organisée, de millions de dollars versés à des détenteurs de comptes numériques dans divers paradis fiscaux, de signatures éventuelles sur des morceaux de papier. Je l’affirme et prends date, en souhaitant me tromper, mais en sachant, au fond de moi, que je ne me trompe pas.
Aucune paix n’est jamais possible dans la durée avec des dictateurs, des fanatiques. On peut, au mieux, parvenir, avec ce genre de gens, à une coexistence froide, mais cette coexistence froide suppose, pour exister, que la partie adverse soit pleinement persuadée que toute attaque aura des conséquences si désastreuses, qu’il soit impensable pour elle de les envisager. C’est cette persuasion qui a retenu l’Union Soviétique pendant des années. Je ne suis pas certain qu’elle suffira à retenir l’Iran.
Les traités de paix se signent entre dirigeants de pays partageant certaines valeurs fondamentales permettant le respect du contrat et de la parole donnée. Aucun dirigeant palestinien ne partage les valeurs fondamentales des Israéliens et des Occidentaux.
Israël risque de se trouver confronté à une guerre, plus vite peut-être qu’on ne l’imagine. Israël devra impérativement gagner. Je n’ai nul besoin de préciser pourquoi.
Israël devrait se préparer à gagner la guerre et réfléchir ensuite aux conditions possibles d’une coexistence froide, et réellement dissuasive, vis-à-vis des plus assoiffés de son sang et de ses cadavres. Tant que les valeurs fondamentales des dirigeants palestiniens, musulmans, proche-orientaux et arabes n’auront pas changé, toute autre attente sera vaine.
source :
houmous