Cette semaine, nous souhaiterions attirer l’attention de nos lecteurs sur la décision de la Ministre israélienne de l’éducation, Yuli Tamir, d’approuver la publication d’ouvrages scolaires en arabe qui feront désormais référence à la guerre d’Indépendance de 1948 par l’expression palestinienne controversée de « Naqba », qui signifie « catastrophe ».
Ce n’est pas la première fois que Yuli Tamir s’illustre en offrant l’opportunité de muscler discours et positions contre l’Etat juif, servant sur un plateau le refus de reconnaître Israël comme un Etat souverain et indépendant dans ses frontières.
Au mois de décembre 2006, Yuli Tamir avait déjà demandé que le tracé de la « ligne verte », la ligne d’Armistice de 1949, figure désormais sur les cartes proposées dans les manuels scolaires israéliens, comme si elle avait cherché à limiter la souveraineté de l’Etat d’Israël sur ses terres conquises. De plus, la Ministre de l’éducation inscrivait son projet dans le droit fil du discours d’Ehoud Olmert, prononcé le 27 novembre 2006. Devant la tombe de David Ben Gourion à Sdé Boker, le Premier ministre israélien s’était dit favorable à la création d’un Etat palestinien « doté une continuité territoriale ».
Or si la problématique de la ligne verte est bien au cœur d’un débat territorial, et pose effectivement une question d’ordre politique, le débat sur l’emploi du mot catastrophe pour qualifier l’indépendance d’Israël recouvrée après un exil de 2000 ans, comme l’indique l’hymne national israélien, remet en cause la légitimité même d’Israël, à l’égard de ses voisins arabes notamment.
Pourquoi reconnaître un pays qui admet que sa création fut effectivement une catastrophe ? Pourquoi signer un traité de paix avec une nation qui renierait officiellement jusqu’à sa propre raison d’être ? Pourquoi ne pas exploiter une faiblesse, une faute, qui donnerait raison et sens à bientôt soixante ans de refus arabe qu’un Etat juif démocratique existe aux côtés de régimes dictatoriaux ?
Car la « Naqba » des Palestiniens n’exprimait pas tant la guerre déclarée et perdue par les Arabes, avec son lot de conséquences géopolitiques, mais plutôt l’échec d’empêcher le retour des Juifs sur leur terre, et l’obligation de vivre aux côtés d’ « infidèles » souverains. En 1948, le refus arabe de voir naître un Etat juif est une affaire de principe et de religion.
Soixante ans plus tard, alors que le camp des modérés palestiniens est enfin prêt à accepter le fait israélien, et qu’il résiste aux desseins des terroristes du Hamas, l’ancienne Ministre de l’éducation Limor Livnat analyse avec raison qu’une telle version de l’histoire risque de « pousser les jeunes arabes à la conclusion qu’il faut agir contre l’occupation israélienne ».
La rhétorique de la gauche ultra laïque israélienne nous avait habitués à une certaine provocation. Zeev Sternhell par exemple, le fondateur de « La Paix Maintenant », n’hésite pas dans les colonnes du quotidien « Haaretz » à qualifier les « territoires » de « fardeau pesant », disqualifiant toutes les mesures prises par les gouvernements successifs dans leurs relations avec l’Autorité palestinienne notamment. Mais le mot « catastrophe » n’avait jamais été employé par des Israéliens pour qualifier la renaissance de la souveraineté d’Israël en 1948.
Reconnaître qu’il est légitime de parler de catastrophe pour qualifier la naissance d’Israël et demander que le mot soit effectivement employé dans les manuels scolaires participe d’un redoutable phénomène de haine de soi.
Mais il y a plus grave encore. Catastrophe est un terme fortement connoté dans l’histoire juive. C’est la traduction de Shoah, terme hébraïque choisi par le cinéaste Claude Lanzmann, repris par l’historien Raul Hilberg. La catastrophe au 20ème siècle n’est rien d’autre que les six millions de Juifs gazés et brûlés à Auschwitz et Treblinka, dans le silence du monde.
En 1948, avec la « Naqba », les Palestiniens avaient voulu répondre à la Shoah. La catastrophe juive dont ils n’hésitèrent pas à réduire l’importance en se lançant dans l’écriture des travaux révisionnistes et négationnistes, en choisissant aussi de s’identifier « mot pour mot » au vocabulaire de l’univers concentrationnaire nazi, pour falsifier l’histoire et porter aussi le costume des victimes absolues. Ainsi les villages et les bourgades dans lesquelles vivent les Palestiniens sont par magie médiatique devenus des « camps »…
Yuli Tamir est tombée dans le piège de la concurrence des mémoires. En outre, elle invite les jeunes arabes israéliens à s’identifier à une cause qui n’est pas la leur. Et si la naissance d’Israël est une catastrophe reconnue comme telle par l’éducation nationale israélienne, comment alors les inciter à respecter les lois d’Israël, ses choix politiques, son organisation sociale ? Et comment s’identifier aux grandes causes qui soudent un pays ?
Ce soir, nos pensées vont vers Guilad Shalit, Eldad Reguev et Ehoud Goldwasser, kidnappés depuis plus d’un an par les terroristes du Hamas et du Hezbollah. L’ultime catastrophe d’Israël serait d’oublier que leur vie et leur mémoire sont notre premier combat.
source :
guysen