« C'est une blague que l'on entend beaucoup, en ce moment, en Israël. Elle est drôle, jusqu'au moment où l’on réalise à quel point elle est dramatique. Tous les personnages sont réels et les faits exacts, hélas ! » (Jif Assoc.).
12/12/06
C'est un jour pluvieux. Nous sommes à l'hôpital Tel Hashomer. Seul un assistant, du nom de Shmiel est présent : il est de garde dans la chambre de l'ancien Premier ministre, Ariel Sharon.
Tout le monde, sauf Sharon lui-même, sait qu'il n'est plus Premier ministre d'Israël. Shmiel est assis et épluche une pomme, tandis que G, un agent des services secrets (Shabak), est en train de ronfler.
Soudain toutes les machines se mettent à sonner. Le Premier ministre se réveille. Il s’écrie :
- Je n'avais plus dormi comme ça depuis longtemps ! Qu'on aille me chercher mon conseiller stratégique, Reuven Adler, j'ai quelques idées pour une nouvelle orientation.
Shmiel se précipite vers le lit de Sharon :
- Bonjour, Monsieur, comment vous sentez vous ?
- Je meurs de faim. Où suis-je donc ?
L'agent du Shabak continue de dormir pendant que Shmiel explique à Sharon ce qui lui est arrivé. Sharon ne le prend pas au sérieux et dit :
- Alors, ce soir, tu blagues avec le Premier ministre, hein, Shmiel ?
- Désolé, Monsieur, mais vous n'êtes vraiment plus Premier ministre.
- Sharon (après quelques secondes de stupeur) : et qui m'a remplacé ?
- Ehoud Olmert.
- Olmert ? Ce pitre jérosolimite ? Que va-t-il se passer si une guerre éclate, il ne sait même pas comment diriger une armée ! Au moins, Shaoul [Mofaz] est toujours là !
- Mofaz est ministre des transports.
- Mais qui est ministre de la défense ?
- Peretz.
- Ce vieil homme est toujours en vie ?
- Non, pas Perès, Monsieur: Peretz, Amir Peretz.
- Quoi ? Ils sont fous ? Je ferme les yeux une minute et ils laissent un dirigeant travailliste s'occuper de la défense du pays ?! Toutes les usines de Dimona ne sont pas les mêmes. Il le sait, ça ? Ecoute, fais venir Omri ici immédiatement [Omri est le fils de Sharon]. Il va tout arranger.
- Désolé Monsieur, Omri est en route pour la prison.
- La prison ? C'est quoi, cette idiotie ? Je ne te crois pas. Alors, appelle mon avocat tout de suite, appelle Klagsbald.
- Klagsbald est sur le chemin de la prison.
- Je savais que je pouvais compter sur Klagsbald. Il va sortir Omri de là.
- Non, Monsieur. Klagsbald est aussi en route pour la prison. Il conduisait sans faire attention et a eu un accident qui a causé la mort d’une jeune femme et de son fils.
- Alors fais-moi venir [Avigdor] Yitshaki. Il a toujours su comment régler ce genre de situations.
- Désolé, Monsieur, Yitshaki est sous le coup de sa propre enquête pour fraude. Il réglait trop bien les choses, ces derniers temps.
- C'est impossible. Je connais Yitshaki : ils doivent se tromper. Fais-moi venir le chef de la police.
- Désolé, Monsieur, mais Karadi est en cours d’enquête pour corruption.
- Bien évidemment qu'il enquête ! Il est le chef de la police. Je suis sûr qu'il est sur bon nombre d’enquêtes !
- Non, Monsieur. L’enquête porte sur lui.
Sharon soupire profondément.
- Tout le système judiciaire s'est donc effondré ! Nous devons les tirer de là. Fais-moi venir le ministre de la sécurité intérieure, Tzakhi [Hanegbi].
- C'est que Hanegbi a été reconnu coupable de fraude, de pots de vin et de création frauduleuse d'emplois. Il n'est plus ministre.
- Alors, appelle-moi le ministre de la justice. Qui Olmert a-t-il mis à ce poste-là ?
- Haïm Ramon.
- Eh bien, fais-le venir.
- Désolé, Monsieur. Je ne peux pas. Il est poursuivi pour harcèlement sexuel.
- Quoi ? Fais venir le président, alors. C'est toujours Katsav, hein ?
- Oui, mais il est l’objet d’une enquête pour harcèlement sexuel et écoutes téléphoniques.
- Alors, fais venir le chef d'état major, Boogie [Moshé Ayalon]. Euh, je veux dire Haloutz, c'est ça ?
- Eh bien, Monsieur, il a quelques problèmes à cause de la guerre du Liban. Rien de bien grave: il a vendu quelques actions. Il va bientôt témoigner devant une commission d’enquête.
- Haloutz ? Il n'était qu'un jeune pilote de Piper pendant la guerre du Liban !
- Je parle de la seconde guerre du Liban, qui a eu lieu pendant que vous dormiez, Monsieur. Nous… comment dire ?... nous avons perdu la guerre, mais le Premier ministre a dit que nous devions être patients, que la victoire ne tarderait pas.
Sharon, sonné, regarde attentivement la pièce.
- Quel est ton nom et quelle est ta fonction ?
- Shmiel, Monsieur. Je suis infirmier à l'hôpital.
- Ok, Shmiel. Ne dis à personne que nous avons eu cette conversation. Je retourne dormir.
- Vous pouvez compter sur moi, Monsieur.