merci à meir weintreter
es Israéliens tout comme les Palestiniens, sont deux peuples qui ont vécu des histoires traumatisantes. Nous ne devons jamais les oublier. Mais nous ne devons pas non plus être pris en otage par leur histoire. Nous devons nous préoccuper du futur de nos petits-enfants plutôt que du passé de nos grands-parents, ou même du nôtre.»
Ces propos du président d'une grande organisation «pro-palestinienne» américaine devraient être médités par les organisations «pro-palestiniennes» (ou prétendues telles) en Europe. Et aussi par les organisations «pro-israéliennes», mais cela va de soi.
TIRER DES LEÇONS DE LA NAKBA
par Ziad Asali
Ziad Asali est fondateur et président de l’«American Task Force on Palestine».
Washington, DC - Je n’ai pas besoin que l’on me fasse la leçon sur la Nakba palestinienne. C’est un moment clé de mon existence. Au cours de la guerre de 1948, ma famille avait déjà fuit notre maison de Talpiot, un quartier au sud est de Jérusalem, et s’était réfugiée dans un monastère. Nous avions rapidement rassemblé quelques biens et nous avions escaladé et descendu des montagnes jusqu’à Béthanie puis Jéricho. Nous avons fini par nous réinstaller dans la partie arabe de Jérusalem-Est.
Parce que j’étais en train d’étudier la médecine à l’Université américaine de Beyrouth lors de la guerre de 1967, je me suis retrouvé être un double réfugié. Après avoir terminé mon stage de médecine aux Etats-Unis, je suis retourné à Jérusalem afin d’y pratiquer la médecine, mais les autorités militaires israéliennes m’ont refusé la permission de rester. C’est donc ainsi que je me suis retrouvé comme étant le premier membre de ma famille à construire sa vie en dehors de Jérusalem. Ma famille est l’une des trois lignées étudiées par l’historien israélien Dror Ze’Evi dans son livre sur l’histoire de Jérusalem depuis les années 1600. Ce n’est que des années plus tard, en tant que citoyen américain, que j’ai pu revenir visiter ma ville natale.
Je ne raconte pas ceci pour me lamenter sur mon sort ou m’éterniser sur le passé. Les quatre générations de Palestiniens qui ont vécu et qui sont morts dans les camps de réfugiés sont le vrai visage de la tragédie palestinienne. Il convient et il est légitime d’honorer les vérités historiques, mais aussi de savoir en tirer les leçons qu’elles nous enseignent.
Les Israéliens tout comme les Palestiniens, sont deux peuples qui ont vécu des histoires traumatisantes. Nous ne devons jamais les oublier. Mais nous ne devons pas non plus être pris en otage par leur histoire. Nous devons nous préoccuper du futur de nos petits enfants plutôt que du passé de nos grands-parents, ou même du nôtre.
Nous devons travailler de concert afin de construire un futur dans lequel les deux peuples peuvent jouir de leurs droits, de leurs responsabilités et de leur dignité de citoyens ainsi que d’autodétermination. Et il n’y a qu’une seule façon d’accomplir ceci : mettre un terme à l’occupation et créer un état palestinien aux côtés d’Israël. Les Palestiniens doivent reconnaître et accepter Israël, qui est un membre légitime des Nations Unies. Les Palestiniens doivent avoir un lieu sur terre, les territoires occupés en 1967, dans lesquels ils doivent pouvoir vivre librement en tant que citoyens de première classe, dans leur propre état indépendant. Il n’y a pas d’alternative pour mettre un terme au cycle de carnage, de peine et de haine qui dure depuis si longtemps.
Pour mener à bien ceci les demi-mesures et une reconnaissance partielle ne sont pas suffisantes. Chacun des deux peuples doit reconnaître à l’autre des droits nationaux et un état.
Depuis que nous avons créé l’«American Task Force on Palestine » en 2003, on m’a reproché d’être « trop mou à l’égard d’Israël », critiques provenant surtout de ceux qui veulent me faire la leçon sur la Nakba et qui proclament leur propre « crédibilité patriotique ». Dans un commentaire éclairé à propos de ma participation à une la fête de l’Indépendance israélienne, l’un de mes amis, un Américain d’origine palestinienne, a déclaré, « tu n’étais pas en train de célébrer l’exode de 800'000 Palestiniens, ou la destruction de la Palestine, ou la Nakba, mais tu maintenais le visage de la Palestine vivant, et tu maintenais les portes de la négociation et les contacts humains ouverts. »
Je comprends parfaitement la colère que génère le souvenir de la Nakba, particulièrement chez les jeunes. Je me souviens de ce que j’ai ressenti à la vieille de la guerre de 1967. Nous étions excités à la perspective de la libération de la Palestine, qui aurait permis à ceux d’entre nous qui étaient devenus des réfugiés en 1948 de rentrer chez nous. Mais en fin de compte cette guerre m’a rendu réfugié encore une fois.
Dans les années qui ont suivi, j’ai commencé à réaliser que les guerres de 1948 et de 1967, comme des serre-livres qui maintiennent des livres sur une étagère, marquent les limites qui permettent la résolution du conflit. Les Arabes se sont montrés incapables d’empêcher les juifs d’établir l’état d’Israël en 1948. Mais Israël ne peut pas incorporer les territoires palestiniens et leur population conquis en 1967 sans perdre à la fois ses caractères juif et démocratique. C’est pour cela que seul un accord à deux états, qui reconnaisse la légitimité et les limitations des deux projets nationaux, offrirait une solution pour la résolution du conflit.
Nos histoires et nos récits sont précieux. Ils ne doivent pas devenir des outils de marchandage, ou être l’objet de négociations. Les palestiniens et les Israéliens ne vont pas embrasser les récits des autres, ni ne doivent abandonner les leurs. Ils n’ont pas besoin de l’autre afin de confirmer leur identité. Ce dont ils ont besoin c’est d’un accord de paix réaliste, à toute épreuve, qui leur permette de vivre pacifiquement côte à côte. Les cœurs et les esprits doivent changer pour rendre ceci possible.
L’unique façon d’honorer nos histoires tragiques est de créer pour nos enfants un futur libéré de toute tragédie provoquée par l’homme. Ceci signifie donc faire la paix, totalement et sans réserve, entre Israël et un état palestinien.