http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3339920,00.html
Yediot Aharonot, 14 décembre 2006
Avons-nous besoin de la ligne Verte?
Dror Etkes *
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
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[Précision : cet article confronte deux textes : celui de Dror, dont la
traduction suit, et celui du député Itzhak Levy, du parti Union nationale
proche des colons et ancien ministre de l'éducation et de la culture dans le
gouvernement Sharon. Ceux qui veulent lire le texte de ce dernier (en
anglais) peuvent le faire en cliquant sur le lien qui figure en tête de ce
message.]
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Il y a une plaisanterie sur un rabbin très respecté en Lituanie au début du
19ème siècle, à qui l'un de ses étudiants demandait quelle religion était la
plus proche du judaïsme. Le rabbin réfléchit un moment et répondit : le
hassidisme (2). Dans la version moderne de cette plaisanterie, la réponse du
rabbin serait très probablement : les colons.
Cela se confirme encore avec la réaction de rabbins colons (dont l'actuel
génie (3) Shalom Dov Wolpe, qui dirige le "Quartier Général International
pour le Salut du Peuple et de la Terre d'Israël") à l'initiative de la
ministre de l'éducation de remettre la ligne Verte dans les manuels
scolaires. Au cours d'une réunion d'urgence, un édit religieux a été pris,
qui interdit l'utilisation de manuels scolaires qui incluraient la ligne
Verte.
Il faudrait peut-être faire remarquer que cette même ligne Verte (la ligne
d'armistice signée entre Israël et la Jordanie en novembre 1948) a été
effacée des cartes il y a longtemps.
L'essayiste et journaliste Gershom Gorenberg, dans son dernier livre, The
Accidental Empire, décrit comment et quand très exactement cela s'est
produit. Le 30 octobre 1967, Ygal Alon, alors vice-premier ministre, a
ordonné au service de cartographie, d'effacer la ligne Verte de toutes les
cartes d'Israël qu'il éditerait à partir de cette date.
Il s'agit là, probablement, de l'une des décisions les plus importantes
prises par un homme politique israélien depuis la création de l'Etat. Elle a
créé, ou du moins largement contribué à une situation où plusieurs
générations d'Israéliens qui ont suivi le cursus scolaire israélien ne
savent pas ce qu'est réellement le territoire souverain de leur pays.
Car les gouvernements israéliens successifs, qui, pour de bonnes raisons,
n'ont jamais annexé officiellement la Cisjordanie, ont tout fait pour
l'annexer de facto au territoire de l'Etat d'Israël.
Cette décision d'effacer la ligne Verte des cartes d'Israël a également
contribué à une confusion quasi absolue entre deux notions complètement
différentes et qu'on confond très souvent : "l'Etat d'Israël" et "la Terre
d'Israël".
La première est une notion géopolitique moderne, avec des frontières
clairement définies. La seconde est une notion historico-religieuse dont les
frontières géographies sont indéfinies depuis des siècles. Cette confusion
entre ces deux termes constitue la base sur laquelle a lieu le débat,
d'ailleurs rare et local, sur l'avenir du contrôle par Israël de la
Cisjordanie et de sa population palestinienne.
La décision de la ministre Youli Tamir d'ajouter la ligne Verte dans les
manuels scolaires reflète sans nul doute un programme politique, mais ni
plus ni moins que celle d'Alon de l'effacer, ou que celles de ses
successeurs au cours des 40 dernières années de maintenir cette pratique.
Toutes ces décisions reflètent avant toute chose la conception du rôle de
l'Etat moderne en tant qu'acteur majeur dans la formation de l'identité de
ses citoyens. Et quel élément contribue-t-il davantage à cette formation
qu'une démarcation claire de leurs horizons, culturels et éducationnels? Il
est évident que la largeur de ces horizons ont des implications dont les
dirigeants politiques ont intérêt à se servir pour faire avancer leurs
programmes politiques.
Une autre anecdote pour conclure. Au cours des années 1900-1905, un débat
très vif a divisé le mouvement sioniste. Au coeur de ce débat : la question
du plan de l'Afrique orientale, qu'on appelle souvent à tort le "Plan
ougandais" (bien qu'il se soit agi d'un territoire situé au Kenya).
Le camp qui soutenait une autonomie juive en Afrique orientale comprenait,
entre autres, la plupart des représentants du mouvement "Mizrahi", les
religieux sionistes. Cette mouvance a plus tard donné naissance au mouvement
fondamentaliste et colonisateur du "Goush Emounim".
Si le "Plan ougandais" avait été appliqué comme les pères spirituels des
colons le souhaitaient, il se pourrait que les rabbins de "l'ougandisme
religieux" auraient aujourd'hui publié des édits religieux interdisant
l'utilisation de manuels scolaires qui mentionneraient l'équateur. Après
tout, le problème était et demeure le même : ils n'aiment pas les lignes,
quels que soient leur type ou leur couleur.
(1) voir notre article http://www.lapaixmaintenant.org/article1459
(2) historiquement, deux traditions opposent le judaïsme orthodoxe : le
hassidisme et les "opposants" ("mitnagdim"), appelés aussi "Lituaniens".
(3) génie (en hébreu : "ga'on") : nom donné aux grands érudits, comme le
Ga'on de Vilna (très féroce à l'égard du hassidisme, voir note 2).
* Dror Etkes est le responsable de l¹Observatoire de la Colonisation de
Shalom Arshav (La Paix Maintenant)