Extraits d'un texte de A.B. Yehoshua :
Ce que «sioniste» veut dire
Par Avraham B. Yehoshua
Traduit de l’hébreu par Jean-Luc Allouche.
Le terme de «sioniste» est fondamentalement simple, clair, facile à définir, à comprendre et à justifier. Cependant, au cours des vingt, trente dernières années, ce terme s’est transformé en une notion des plus confuses.
À l’étranger, dans les cercles critiques à l’égard d’Israël, le sionisme sert de poison à l’aide duquel chaque argument à l’encontre de l’État hébreu se voit aggravé. Pour certains critiques, la solution pour l’avenir de ce pays est même dans la «désionisation» de son identité. Pour les ennemis jurés d’Israël, sioniste est un vocable diabolique, un qualificatif péjoratif remplaçant le mot «israélien» ou «juif». Les membres du Hamas parleront du «soldat sioniste prisonnier», et le Hezbollah et l’Iran se référeront à «l’entité sioniste criminelle» et non à Israël.
Voici une définition : un sioniste est un individu qui désire ou soutient la création d’un État juif en terre d’Israël qui serait, dans le futur, l’État du peuple juif. Selon les propos mêmes de Herzl : «À Bâle, j’ai fondé l’État des juifs.» Le mot-clé en l’occurrence est : «État». Et, de manière naturelle, il s’agit de la terre d’Israël à cause de l’attachement historique du peuple juif à cette terre.
Reste à savoir quel État désiraient ceux qui en soutenaient le projet. Chaque sioniste affichait sa propre vision et son programme. Le sionisme n’est pas une idéologie. Si l’on retient comme définition de l’idéologie la conjonction systématique et unifiée d’idées, de conceptions, de principes et de mots d’ordre à l’aide desquels s’incarne une vision du monde d’un groupe, d’un parti ou d’une classe sociale, le sionisme ne peut sûrement pas être tenu pour une idéologie, mais juste comme une très large plateforme de différentes idéologies, parfois même antagonistes.
Il n’existe pas de rapport entre la surface de l’État et le sionisme. Si les Arabes avaient accepté le plan de partage de la Palestine en 1947, l’État d’Israël dans les frontières du partage n’aurait pas été moins sioniste que dans d’autres frontières. Si l’État hébreu avait conquis et annexé la Transjordanie mais s’il avait abrogé la loi du retour, il aurait cessé d’être sioniste, bien qu’il eût triplé ou quadruplé son territoire.
Concernant la loi du retour que d’aucuns considèrent comme discriminatoire à l’égard des citoyens palestiniens d’Israël, il convient de répondre que la loi du retour est la condition morale posée par les nations du monde à la création de l’État d’Israël. Le partage, en 1947, de la Palestine en un État juif et un État palestinien ne s’effectuait qu’à condition que l’État juif ne soit pas celui du petit établissement des 600 000 Israéliens qui y vivaient à cette époque, mais un État qui puisse résoudre la détresse de tous les juifs du monde et offrir à tous les juifs la possibilité d’y trouver un foyer. Serait-il moral que les centaines de milliers de juifs qui ont pu immigrer en Israël grâce à la loi du retour referment les portes à travers lesquelles ils ont pu y pénétrer ?
http://www.crif.org/fr/tribune/ce-que-%C2%ABsioniste%C2%BB-veut-dire/37213