Pierre Lellouche, Député de Paris, fils d’indigène.
Pierre Lellouche et Olivia Cattan
A l’occasion du Film de Rachid Bouchareb, Indigènes, le Député de Paris Pierre Lellouche évoque cette période de l’histoire où musulmans, juifs, Africains et pieds-noirs se sont battus ensemble pour la Libération de la France.
Olivia Cattan : Dans l’émission de Laurent Ruquier, vous avez raconté l’histoire de votre père, juif indigène, ayant combattu lors de la seconde guerre mondiale...
Pierre Lellouche : Mon grand-père avait déjà fait la guerre de 14-18 et mon père, , originaire de Tunis et déjà sous les drapeaux lors du déclenchement de la guerre en 1939, a rejoint les alliés et a fait la campagne de Tunisie, pendant 6 mois, dans des conditions très difficiles. Incorporé dans un régiment de « goumier », il m’a raconté le débarquement en Provence et la très dure campagne d’Italie avec cette horrible bataille à Cassino où il a été blessé.
O.C. : Est-ce que tous ces indigènes, musulmans, juifs, africains étaient considérés de la même façon par l’Armée française ?
P. L : Vis à vis des officiers français, tous les indigènes, juifs, pieds noirs ou musulmans étaient considérés de la même façon et mon père avait gardé de cette guerre le souvenir à la fois de la fraternité des armes mais aussi de bon nombre de vexations.
O.C. : Qu’avez-vous ressenti, lors de la projection de ce film ?
P. L : Je peux comprendre la fierté de ces fils et petits-fils d’immigrés qui ont vu ce film, je la ressens également. Son patriotisme renforce ma fierté d’être aujourd’hui Député de la République. C’est pour cela aussi que dans mon bureau de l’Assemblée nationale, les médailles de mon père y sont accrochées. Mais comme je l’ai dit à Jamel Debbouze, même si je peux comprendre qu’il ait souhaité focaliser ce film sur l’histoire des musulmans, il est dommage que ce film fasse l’impasse sur ces régiments de Sénégalais et ces 170 000 Pieds noirs dont beaucoup étaient juifs et qui ont donné, eux aussi, leurs vies pour la mère-Patrie.
O.C. : Est-ce que les excuses de la France ne viennent-elles pas trop tard ?
P. L : Ce qui est regrettable est que la France ait mis 50 ans à reconnaître ces sacrifices et qu’il ait fallu un film pour mettre fin aux injustices des pensions militaires, selon que l’on ait été métropolitain ou soldat des colonies.
O.C. : Vous dîtes également qu’il faut arrêter de s’excuser, qu’il y en a marre de cette France pénitente ?
P. L : Comme le dit très bien, Pascal Bruckner dans son dernier livre, la tyrannie de la pénitence, le drame de la France est de passer son temps à s’excuser sur ses erreurs passées. C’est pour cela que j’espère que ce film, au demeurant utile, ne sera pas mal interprété et transposé à la situation actuelle, comme si la colonisation d’hier continuait aujourd’hui dans nos banlieues. Il ne faudrait pas qu’il serve d’arguments au discours victimaire et à cette religion de l’excuse permanente, qui loin de servir le lien national ne font que diviser un peu plus les Français entre eux.
O.C. : Benjamin Stora dit que ce film est une passerelle qui permet à ces jeunes, fils d’immigrés, de consolider leur identité française, comment les aider à s’intégrer ?
P. L : J’ai fais une proposition à Nicolas Sarkozy. Il faudrait que pendant deux mois, un service militaire soit mis en place afin de renforcer le patriotisme de ces jeunes. Cela renforcerait leur lien national. Mais comme le disait Albert Memmi, pour que l’intégration fonctionne, il faut que la majorité y consente et que la minorité le veuille.
5 novembre 2006, par Olivia Cattan
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