Le dilemme moral des intellectuels israéliens
par Shraga Blum
vendredi 25 janvier 2008 - 10:52
Que faire lorsque l’on se prétend porte-drapeau de la morale et du « progrès », et que des personnes éthiquement douteuses arrangent nos affaires ?
C’est le dilemme dans lequel se trouve actuellement l’intelligentsia israélienne de gauche, à quelques jours de la publication du rapport de la Commission Winograd. Sans vouloir généraliser, on peut dire que le cœur du monde intellectuel israélien, très majoritairement à gauche et à l’extrême gauche de l’échiquier politique, balance entre son exécration d’Ehoud Olmert, et sa volonté de voir la fin de tout présence juive en Judée-Samarie.
C’est ainsi que l’on assiste depuis quelques semaines à la constitution d’un front étrange dont le seul objectif est de préserver Ehoud Olmert aux commandes, afin de poursuivre le processus de « paix », et donc d’éviter le retour de Netanyahou au pouvoir. De Shalom Akh’shav aux écrivains, en passant par des professeurs d’université, des parents endeuillés de la première guerre du Liban et certains responsables travaillistes, on préfère encore voir des longues files de Juifs quitter Kedoumim et Ofra, plutôt que de voir l’éthique et la justice triompher dans le système politique.
Ehoud Olmert, en fin connaisseur, l’avait compris depuis longtemps, lorsqu’il avait initié une rencontre avec Amos Oz, estimant qu’un petit groupe influent comme celui des intellectuels, pourrait lui être très utile en temps voulu.
Et une fois de plus, l’idéologie moralisante de gauche se dite prête à s’accommoder avec « des intérêts supérieurs » représentés aujourd’hui par l’un des hommes politiques les plus impliqués dans des affaires de corruption, et qui sera dans une semaine le principal accusé du Rapport Winograd.
Si la gauche affirme qu’Olmert doit être préservé envers et contre tout afin de poursuivre le « processus de paix », elle perd de sa crédibilité morale ; et si elle se mobilise contre lui, elle risque de perdre le pouvoir à travers ce gouvernement qui sert ses intérêts. Cas de « conscience »…
Apparaissant de plateau en plateau, le président de Shalom Akh’shav, Yariv Oppenheimer énonce comme un mantra la nécessité de « stabilité gouvernementale », dont son mouvement se souciait d’ailleurs comme d’une guigne, en pleine guerre du Liban en 1982, lorsqu’il s’agissait de contester Menah’em Begin et Ariel Sharon, alors que les soldats étaient encore au front.
Tali Reshef, l’un des fondateurs historiques de Shalom Akh’shav, déclare « ne pas imaginer avec joie l’éventualité de la fin du gouvernement Olmert suite au Rapport Winograd, car ce serait un gouvernement de droite qui viendrait à sa place.» A la question : « Pourtant c’est votre mouvement qui a provoqué le départ de Sharon après le Rapport de la Commission Kahane, en 1983 ? », la réponse subtile est : « Oui, mais il faut toujours se demander ce qui vient ensuite… »
Reaya Hernik, poétesse, fait part de son cas de conscience : « Mon soutien à Ehoud Olmert est difficile pour ma conscience, car moralement, c’est vrai il devrait démissionner !»
L’écrivain Yoram Kanyuk a écrit un article prenant le défense du premier ministre, et des écrivains comme Amos Oz ou A.B. Yehoshoua, qui ne cachent pas leur inimitié pour le Premier ministre, estiment pourtant « qu’il est préférable d’avoir un gouvernement tel que l’actuel, si celui fait avancer le processus de Paix et démantèle les localités juives de Judée-Samarie »
Ariel Rubinstein, professeur à l’Université de Tel-Aviv, va jusqu’à minimiser l’importance de la Commission Winograd, Ronit Matalon, écrivain et militante de la gauche radicale, « estime que le Premier ministre mériterait de devoir démissionner, mais considère que l’alternative est pire, avec l’arrivée éventuelle de Binyamin Netanyahou au pouvoir.» Même avis pour le Professeur Yossef Gorny, l’un des responsables académiques de l’Institut Beit Berl.
Et ils sont légion comme cela. L’une des rares personnes qui est « honnête » est encore Yossi Sarid, qui demande encore et toujours la démission d’Ehoud Olmert, « parce que de toutes façons, il n’y a pas de réel processus de paix en cours.. ! »
C’est là que réside la différence entre l’exigence religieuse de morale, la mitsva, qui ne souffre d’aucun compromis, et la morale telle qu’elle a toujours été comprise dans les milieux de la « gauche éclairée et progressiste », c'est-à-dire soumise au gré de ses objectifs idéologiques.
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