FRANCE - Europe 1 a refusé d'inviter le penseur musulman, qui dénonce une censure.
«Qu'on m'interdise de territoire aux Etats-Unis sous des prétextes fallacieux est une chose, mais qu'en Europe on revendique une liberté d'expression pour les uns et pas pour d'autres, cela devient très inquiétant.» Joint mercredi par téléphone à Paris, l'intellectuel musulman genevois Tariq Ramadan confie être habitué aux «éternelles pressions» pour l'empêcher de s'exprimer. En janvier 2005, Le Courrier relatait déjà une tentative de l'ambassadrice française aux Pays-Bas pour empêcher le Genevois de participer à une table ronde. Après le niet des Etats-Unis à sa demande de visa, après les problèmes rencontrés par un journaliste genevois pour publier une enquête sur Ramadan «pas assez critique», après le refus du recteur de l'Université libre de Bruxelles de l'inviter à un débat «au nom de la tolérance», voilà que la radio française Europe1 s'y met à son tour. Elle lui a fait savoir qu'il était persona non grata pour une émission de mercredi, dénonce l'intellectuel.
«La responsable des programmes intervient et affirme que compte tenu de mes prises de position sur les élections présidentielles (ah???!) et après les déclarations de Nicolas Sarkozy (sur les moutons sans doute...), mon invitation n'était pas la bienvenue», écrit Ramadan dans un communiqué de presse mardi. Au téléphone, il précise qu'Europe1 a évoqué ses «prises de position politiques», mais qu'il est clair que cela sous-entendait la présidentielle, pour laquelle «je n'ai pourtant pas pris position». Quant aux moutons, le penseur mentionne un épisode gênant pour le candidat UMP. Lundi soir sur TFI, il déclarait que quand on aime la France, «on respecte ses règles, (...) on n'égorge pas le mouton dans son appartement». Propos explosifs ensuite éludés sur le site TFI.fr. Ramadan n'a pas manqué de dire le mal qu'il pensait de l'amalgame stigmatisant les musulmans. Dans ce contexte, «on m'a dit que ce n'était pas le bon moment pour m'inviter. Mais on sait bien que Jean-Pierre Elkabbach (PDG d'Europe1, ndlr) roule pour Sarkozy.» «En fonction et en mission de censeur, (il) est évidemment moins en soutien de Nicolas Sarkozy qu'Alain Duhamel l'est de François Bayrou», ironise encore Ramadan, au sujet de l'interdiction d'antenne du journaliste de France2 suite à sa prise de position pour le candidat centriste.
Et de dénoncer l'hypocrisie d'une France en ébullition pour défendre «la liberté d'expression non négociable» dans le cadre du procès contre Charlie Hebdo et ses caricatures sur Mahomet... «Ma parole gêne, on essaie de m'empêcher d'être entendu (...)», écrit le penseur.
Hier, malgré nos sollicitations réitérées, Muriel Hees, responsable des programmes d'Europe1, ne nous a pas contactés pour nous livrer sa version des faits.
Toujours est-il que la radio dénonce «la mode chez les 'boeuf-carottes' de la profession (de journalistes) de casser Jean-Pierre Elkabbach, désigné comme le zélateur zélé de Nicolas Sarkozy, et par là même de dénigrer tout Europe1». Des propos tenus dans Le Monde par Hélène Fontanaud, cheffe du service politique de la radio, surprise par France3 à chanter avec des confrères «Le chant des partisans», de l'ancien compagnon de la Libération Maurice Druon, à la demande de Nicolas Sarkozy. I
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