mes amis pieds-noirs se sont battus et il passe enfin sur une chaine nationale, j'ai le dvd je vous le recommande, vous découvrirez une autre histoire, amitiés
La fin d'une histoire sans voix
France 3 diffuse "Histoires d'une blessure", une série documentaire de Gilles Pérez sur les pieds-noirs d'Algérie.
Pour se fondre dans la métropole, ils se sont murés dans le silence. Depuis quarante-cinq ans, ils se taisent, mais comment ne pas se souvenir ? La voix et le regard trahis par l'émotion, 62 d'entre eux se sont confiés à la caméra de Gilles Pérez pour France 3. Soixante-deux, comme l'année où ils ont débarqué sur cette rive-ci de la Méditerranée. En trois volets diffusés à 23 h 20 (Les années romantiques, le 24 mars, Les Années dramatiques, le 31, Les années mélancoliques, le 7 avril), "Histoires d'une blessure" raconte la saga des derniers pieds-noirs d'Algérie.
Robert Boulin, secrétaire d'Etat aux rapatriés, avait tablé sur le retour de 50 000, voire 100000 pieds-noirs. Ils étaient plus d'un million. "C'est quoi ça ?" s'interrogent les métropolitains affairés à préparer leurs vacances en ce mois de juillet. "Qu'ils aillent se réadapter ailleurs", lance Gaston Deferre, le maire de Marseille.
Dès 1848, de Corse, de Naples, d'Allemagne, d'Espagne ou de Malte, ils ont été le rebut politique de l'Europe. Bons à rien ou débauchés, communards, républicains ou antiroyalistes : toute personne soupçonnée d'opposition était envoyée là-bas, vers les terres incultes d'Algérie, dernière des conquêtes de la France coloniale. L'école de Jules Ferry donnera un socle commun aux enfants de cette multitude de peuples nations.
Les Français d'Algérie, durs à la tâche, comptaient peu de colons riches. 300, tout au plus. En 1950, majoritairement ouvriers, artisans, commerçants et surtout fonctionnaires, 65 % avaient un revenu inférieur de 20 % aux salariés de l'Hexagone.
A près ou plus de 60 ans aujourd'hui, les hommes et les femmes rencontrés par Gilles Pérez acceptent d'abord de parler de leur enfance. De la joie de vivre, des bons souvenirs, de la grande fraternité qui régnait dans les quartiers. De la mixité confessionnelle, aussi, entre juifs, présents depuis toujours, musulmans et chrétiens. "C'est comme les couleurs d'un tableau, dit cet homme. Ca se mélange."
¨Pourtant, si les communautés - du moins celles des adultes - se coudoient, elles ne se mélangent pas. "En Algérie, on est tous frères, mais on ne sera pas beaux-frères, explique cet autre. C'est une sorte de code admis par tous."
Puis vinrent "les évènements" de 1954. Dès les premières escarmouches entre partisans de l'indépendance et armée française, la méfiance s'installe. Attentats, assassinats, répression : "Les évènements ont fait la cassure, et pas l'inverse", rappelle ce témoin. Le discours du général de Gaulle le 13 mai 1958 à Alger à l'adresse des français "de Dunkerque à Tamanrasset" entretient l'illusion. "Ce qui est de l'ordre du politique est très éloigné. Les pieds-noirs font confiance à la France, explique Jean-Jacques Jordi, historien, spécialiste des migrations. "En dernier lieu, face à certaines prises de position, on est acculé à des choix souvent extrêmes." Des gens de tous bords, souvent de gauche, qui ne peuvent se résoudre à partir, basculent dans l'insurrection. "Jamais les pensées de Susini (responsable de la propagande à l'OAS) n'ont exprimé les nôtres" nuance cet homme.
Le 19 mars 1962, à Evian, le gouvernement français abandonne ses pouvoirs sur l'Algérie. Mais l'horreur continue, de Bab-el-Oued à Oran. Désormais, le devenir des pieds-noirs se résume à l'alternative : "La valise ou le cercueil".
Qu'est-ce qu'on met dans une valise ? Gilles Pérez leur a laissé le temps de répondre. Et à nous celui d'enfin les écouter.
Jean-Jacques Larrochelle
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RECUPERER UNE AUTRE PAROLE
Sans s'en rendre compte, c'est sa grand-mère qui a initié le projet : "Tu vas pas t'arrêter de courir le monde avant d'avoir couvert les deux guerres qui ont marqué la famille : l'Espagne et l'Algérie."
Gilles Pérez, 40 ans, enfant de pieds-noirs d'origine andalouse, ancien reporter de guerre pour RFI, a dû remiser un a priori tenace. "Je voulais bien reconnaître un seul drame aux pieds-noirs : celui de l'exil. Je considérais qu'ils avaient eu une attitude indéfendable là-bas. Moi y compris, j'ai zappé deux générations."
Quand, en 2004, il propose le sujet aux télévisions, la même réaction fuse : "Ah non, pas les pieds-noirs !" Alexandre Cazères, conseiller de programmes à l'unité documentaire de France 3, accepte de coproduire cette "approche plus humaine de récupérer une autre parole" : celle d'un "peuple de l'entre-deux qui n'a pas sa voix" en une période enfouie de l'histoire française.
"Histoires d'une blessure" raconte celles de gens simples qui, naïvement, se sont laissé enfermer "dans des représentations politiques", explique le réalisateur. On associe les pieds-noirs à l'extrême droite : "Faux !" D'Alger à Oran, la visite de Maurice Thorez en Algérie, en 1939, a provoqué des mouvements de liesse inimaginables. Plus tard, leur vote sera surtout antigaulliste.
L'exercice de maïeutique imposé par Gilles Pérez à ses interlocuteurs n'a pas été simple. Filmés de près, ces hommes et ces femmes se sont incarnés sans fard dans leur récit. Souvent, il a dû arrêter sa caméra, "tout était tellement charnel", se souvient-il.
"Histoires d'une blessure" aura une suite. Celle des milliers d'enlèvements, souvent ignorés, qui ont accéléré l'exil vers l'Hexagone. Et, surtout, celle que raconteront les "Chibanis", les vieux Algériens qui ont vécu la présence française. "Quand chacun aura pu dire sa vérité, le dialogue sera alors de nouveau possible", se prend à rêver Gilles Pérez.
Jean-Jacques Larrochelle