Le jeudi 27 janvier 1944, 96 Juifs, hommes, femmes et enfants sont arrêtés en Haute-Marne au cours d’une rafle…
Sur ces 96 Juifs, 15 sont âgés de moins de 18 ans…
Dans la soirée, c’est le départ de la gare de Saint-Dizier pour la prison de Châlons sur Marne…
Le 29 janvier, les « raflés » quittent Châlons pour Drancy…
Le 10 février, ils quittent Drancy pour le camp d’Auschwitz, c’est le convoi N° 68…
Parmi eux, Colette ROZEN, 12 ans, de Saint-Dizier…
J’aimerai vous parler de Colette, cette petite fille de 12 ans que j’ai vue en photo avec son petit chien noir et blanc. Elle est entrée dans mon cœur et ne l’a jamais quitté, de façon si soudaine, si inattendue…
Son regard semblait si triste et si grave, et elle m’observait avec ses grands yeux interrogateurs, ses beaux yeux d’où émanaient une telle profondeur, comme s’ils pressentaient une funeste tragédie. Eh bien, cette petite fille habitait à Saint-Dizier, la ville où je suis née, où j’ai vécu. Et je n’avais jamais entendu parler de Colette, jamais !
Oh mon D-ieu, nous pensons connaître l’ « Histoire », celle qui nous communique des chiffres comme celui de 6 millions de Juifs exterminés lors de la seconde guerre mondiale, celle qui nous enseigne des dates, des évènements, des lieux…
Il y a seulement cinq ans, Colette, que j’ai appris ton histoire, dans une revue qui parlait du calvaire des familles juives de Haute-Marne. J’ai alors réalisé que l’ « Histoire » n’était pas loin de nous ni anonyme, comme on aimerait le croire pour se donner bonne conscience. Mais elle est là, à côté de nous, tout près de chez nous, avec des visages, des moments de rire et de joie, des familles, des noms, des maisons, des lieux, des souffrances…
On a voulu gommer à jamais tous ces visages, toutes ces vies en nous cachant ce passé si présent. Mais aujourd’hui, c’est comme un cri désespéré qui monte du plus profond de mon âme et qui monte des entrailles de la terre, et c’est le cri de souffrance de l’Eternel qui nous supplie :
NE LES OUBLIEZ PAS
Quand j’ai vu ton visage pour la première fois, Colette, et avant même d’avoir lu ton histoire, mon cœur s’est déchiré en une souffrance et une douleur indescriptible, et je me suis mise à sangloter. Pendant près d’une semaine, je n’ai pas arrêté de pleurer en revoyant sans cesse ton visage et tes grands yeux empreints de fatalité. En même temps, je ressentais un tel désespoir mêlé d’un sentiment terrible d’impuissance…
la suite