Pétré-Grenouilleau et l'affaire Pederzoli
En 2010, Pétré-Grenouilleau, promu récemment Inspecteur Général de l'Education Nationale, rend visite à Catherine Pederzoli, professeur d'histoire-géographie dans un lycée de Nancy. Le rapport qu'il remet au ministre Luc Chatel va à nouveau susciter des vagues : il fait état "d'infraction au principe de laïcité", relève l'usage appuyé du mot Shoah au lieu du terme "plus neutre et juridiquement fondé de 'génocide'", conclusions sans appel qui aboutissent à une suspension de l'enseignante pour une durée de quatre mois.
Bien évidemment, Catherine Pederzoli s'insurge contre le procès dont elle fait l'objet. Les spécialistes sont partagés. Selon Annette Wieviorka, historienne du génocide : "Au nom de quoi on imposerait un mot pour un interdire un autre ?" En tout cas, le rapport de l'inspecteur Pétré-Grenouilleau déclenche à nouveau la polémique. Celui-ci entend réaffirmer, en préférant le terme de "génocide", la volonté de refuser le chantage émotionnel puisé dans les souffrances du passé pour instrumentaliser l'histoire par des approximations et des analogies douteuses (Elodie Emery, "Affaire Pederzoli : le curieux destin d'Olivier Pétré-Grenouilleau", www.marianne2.fr, 14/10/2010).
Le terme de Shoah appliqué au génocide juif ne me choque pas, car je le trouve pertinent et spécifique à cette "solution finale" voulue par les nazis, d'autant plus qu'il a été vulgarisé par le film de Claude Lanzmann. On sait qu'on ne peut pas dire Shoah pour le génocide arménien et ce peuple ne revendique pas le terme. Après ce documentaire qui fit date, Alain Finkielkraut peut dire : "La validité du terme "Shoah" est rétrospective." (Alain Finkielkraut, "L'Extermination est un événement inépuisable", Marianne, N°704, 16/10/2010).
La concurrence des mémoires et la prime au compassionnel
Comme le souligne Finkielkraut, la mise en avant du génocide et de la mémoire juifs a suscité une réelle exaspération, pour ne pas dire jalousie, dans certains milieux, notamment à cause du conflit israélo-palestinien, ceux-ci considérant que la Shoah occupe une importance disproportionnée dans la mémoire collective : "Les juifs sont perçus, notamment dans certains secteurs de la communauté musulmane, et par certains "progressistes", qui veulent défendre, face à Israël, les nouveaux damnés de la Terre, comme les rois du malheur."
Et afin de contrer l'expansionnisme mémoriel juif, les autres communautés qui ont souffert dans le passé se sont engouffrées dans la brèche, venant produire leurs créances imprescriptibles devant l'Etat liquidateur de la mémoire. Pour Finkielkraut, on a élargi par les lois mémorielles le cadre exclusif de la Shoah, plaquant sur d'autres "événements historiques terribles le paradigme de la Shoah." On se bouscule au portillon compassionnel, tout devient génocide. La traite négrière transatlantique - et seulement elle - est qualifiée de crime contre l'humanité : "On signifiait ainsi que l'Occident a commis d'autres crimes et fait d'autres victimes que les juifs. Il ne fallait plus laisser, pensait-on, les descendants d'esclaves ou les descendants de colonisés en dehors du devoir de mémoire." (Finkielkraut