Ha¹aretz, 17 mai 2008
http://www.haaretz.com/hasen/spages/984192.html
Le blocage des blocs de colonies
Lara Friedman et Hagit Ofran
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant
Il y a un mois, le Washington Post rapportait que l¹administration Bush
avait conclu avec Israël un accord secret permettant la poursuite des
constructions dans les zones de Cisjordanie appelées communément "blocs de
colonies". Cet article s¹attachait essentiellement à cet accord supposé
(dont l¹administration américaine dément formellement l¹existence), sans
comprendre l¹importance du sujet. Accord secret ou pas, la construction par
Israël dans et autour des "blocs de colonies" s¹est poursuivie sans
discontinuer tout au long du mandat de George W. Bush, jusqu¹à ce jour, ne
s¹attirant que des remarques de pure forme de la part des Américains. Il en
a été de même pour la construction de routes et d¹autres infrastructures
destinées à faciliter l¹expansion de ces blocs et à l¹intégrer à Israël. De
même pour le renforcement d¹un système global de "sécurité" coupant la
Cisjordanie de ces zones et isolant les Palestiniens pris au piège à
l¹intérieur.
Le terme de "bloc de colonies" n¹a rien d¹officiel. Israël n¹a jamais défini
officiellement ces blocs. Ni les Palestiniens ni la communauté
internationale (y compris les Américains) n¹ont reconnu aux blocs de
colonies un quelconque statut particulier par rapport aux autres colonies.
De plus, la construction dans ces blocs est clairement interdite dans le
cadre de la phase 1 de la Feuille de route, qui stipule : "[Le gouvernement
d¹Israël] gèle toute activité de construction (y compris pour des raisons de
croissance naturelle des colonies)."
En conséquence, la véritable question n¹est pas de savoir s¹il y a ou non un
accord secret, mais pourquoi Israël a eu l¹impression tout du long qu¹il
disposait d¹une autorisation spéciale lui permettant de construire dans ces
zones.
L¹une des réponses est à chercher dans une lettre qu¹adressait Bush à Ariel
Sharon, alors premier ministre, le 14 avril 2004. Dans cette lettre, Bush
écrivait : "A la lumière des nouvelles réalités sur le terrain, y compris
d¹importants centres de population israélienne déjà existants, il est
irréaliste de s¹attendre à ce que l¹issue de négociations sur un statut
définitif implique un retrait complet sur les lignes d¹armistice de 1949
(ligne Verte) Š". Les défenseurs de la colonisation se sont immédiatement
emparés de cette déclaration en l¹interprétant comme un quasi feu vert de la
part des Américains à la poursuite de l¹expansion dans les blocs de colonies
(1).
Depuis lors, l¹opposition à la colonisation dans ces zones se heurte
inévitablement à l¹argument : "Mais tout le monde, même le président Bush,
sait que ces endroits demeureront de toute façon entre les mains d¹Israël,
alors pourquoi faire des efforts là-dessus ?"
La réponse est simple : si Israël souhaite sérieusement la paix, l¹avenir de
la Cisjordanie doit être négocié et non prédéterminé par des actes
unilatéraux. Aujourd¹hui, le président Mahmoud Abbas tente désespérément de
convaincre son peuple que c¹est la voie de la négociation et non celle de la
violence qui permettra de répondre à ses aspirations. La poursuite de
l¹expansion des colonies même dans les "blocs" sape à la fois son
autorité et ses positions en faveur de la paix. En même temps, elle menace
la solution à de deux Etats et va à l¹encontre des intérêts fondamentaux
d¹Israël : la fin de l¹occupation, la paix et la sécurité pour le peuple
israélien.
Le président Bush a eu probablement raison de faire remarquer qu¹un accord
de paix définitif devra tenir compte de la situation sur le terrain en
Cisjordanie, où 40 années d¹occupation de politique de colonisation soutenue
par les gouvernements israéliens ont, à dessein, créé une situation nouvelle
et compliquée. De fait, dans le cadre du modèle d¹accord de paix de 2003
connu sous le nom d¹Accords de Genève, négocié par des Israéliens et des
Palestiniens (dont de nombreuses personnalités importantes sur leur scène
politique respective), les Palestiniens ont accepté l¹annexion de quelques
colonies par Israël en échange de territoires israéliens de superficie
égale. Cette expérience a montré que, dans le cadre de négociations de paix
sérieuses, il est probable qu¹Israël obtiendrait une bonne partie de ce
qu¹il souhaite en ce qui concerne les blocs de colonies. Mais il n¹obtiendra
pas tout, dans une large mesure parce que ce "tout" (comme les immenses
blocs qu¹Israël est en train d¹étendre et d¹annexer de facto) est
incompatible avec la création d¹un Etat palestinien viable et
territorialement continu.
Passer de la situation actuelle à un accord négocié exigera de la bonne
volonté mutuelle et un leadership palestinien fort et crédible. Si Israël
continue à construire dans les blocs de colonies, il se retrouvera sans l¹un
ni l¹autre et il perdra, probablement pour longtemps, le partenaire
palestinien le meilleur et peut-être le dernier qu¹il aura vu.
La semaine dernière, lors d¹un point de presse concernant la récente visite
de Bush au Moyen-Orient, il a été demandé pour la énième fois au conseiller
pour la sécurité nationale Steve Hadley de clarifier la position américaine
sur les colonies israéliennes. Sa réponse a été sans équivoque : "Il faut
qu¹il soit mis fin à l¹expansion des colonies, point barre." Aucune mention
de blocs de colonies. Les Américains doivent s¹en tenir à ce message. Et
pour leur bien, les Israéliens feraient bien d¹écouter.
(1) Voir à ce sujet, entre autres : "Le jargon de la diplomatie
israélo-américaine sur les colonies : décryptage"
http://www.lapaixmaintenant.org/article1041
* Lara Friedman est responsable de la politique et des relations avec le
gouvernement au sein d¹Americans for Peace Now. Hagit Ofran est responsable
de l¹Observatoire de la colonisation de Shalom Arshav.
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