a¹aretz, 18 février 2008
http://www.haaretz.com/hasen/spages/955242.html
Le rabbin allume la mèche
Avshalom Vilan et Maurice Stroun *
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant
Dans une interview récente accordée à l¹hebdomadaire britannique The Jewish
News, le rabbin en chef de la communauté ashkénaze a déclaré que les
musulmans qui prient à la mosquée Al-Aqsa devaient reconnaître que Jérusalem
n¹appartient qu¹aux juifs. Les musulmans, avait-il dit précédemment,
disposent déjà de La Mecque et de Médine, et n¹ont donc pas besoin d¹un
troisième lieu saint. Au cours de la même interview, le rabbin Metzger a
même suggéré l¹idée de créer un Etat palestinien dans le désert du Sinaï, et
d¹y déplacer les habitants de Gaza.
Cette position religieuse extrémiste s¹expose aussi tous les jours sous la
forme de menaces à l¹égard du gouvernement Olmert de la part du parti Shas,
pour lequel toute expression du gouvernement sur l¹éventualité d¹une
division de Jérusalem serait suivie immédiatement d¹un départ de la
coalition gouvernementale du parti ultra-orthodoxe. Cette menace se fonde
sur une hypothèse dangereuse : pas une seule pierre de Jérusalem de doit
être divisée entre les deux peuples, car la ville n¹est sacrée que pour les
juifs.
Il est honteux qu¹un rabbin en chef d¹Israël, qui touche un salaire de
l¹Etat, prenne la responsabilité de transformer un conflit politique en un
conflit religieux. Au lieu de s¹en tenir au principe de l¹autodétermination
pour les deux nations, Metzger adopte une position qui, dans le principe,
est identique à celle du Hamas, qui revendique tout le territoire de la
Palestine mandataire pour les musulmans. Ainsi, le rabbin contribue à
transformer un conflit politique entre 6 millions de Juifs et 5 millions de
Palestiniens en un conflit avec un milliard de musulmans.
L¹ancien ministre Natan Sharansky avait, lui aussi, tenté de faire obstacle
à un partage de Jérusalem, mais par d¹autres moyens : il avait suggéré que
la responsabilité de cette décision politique soit transférée au peuple
juif. Il ne proposait pas seulement aux juifs de la diaspora de participer
au débat public, mais de leur donner un véritable droit de vote sur le sort
de Jérusalem. L¹hypothèse sous-jacente était que les juifs de la diaspora,
affolés à l¹idée d¹un éventuel partage de Jérusalem, voteraient contre, sans
pour cela risquer leur vie en y habitant.
Chacun sait qu¹au bout du compte, il n¹y aura pas d¹autre choix que de
diviser Jérusalem en deux capitales, l¹une israélienne et l¹autre
palestinienne. Mais faire de cette tension déjà considérable sur les plans
religieux et national un Armageddon qui enflammerait tout le monde religieux
est un acte irresponsable.
David Ben-Gourion, qui avait prévu de dilemme depuis longtemps, avait
déclaré lors de son dernier discours public, en 1973, qu¹il était prêt à
céder Jérusalem-Est en échange de 100 années de paix, ces 100 années étant
nécessaires pour faire du peuple juif une nation. Ben-Gourion avait compris
ce que Metzger, le rabbin Ovadia Yossef [chef spirituel du parti Shas, ndt]
et les religieux extrémistes et jusqu¹au-boutistes refusent de comprendre :
à Jérusalem, seul marchera un compromis politique déconnecté des conflits
religieux. Les rabbins extrémistes et les leaders ultranationalistes
d¹Israël qui refusent d¹admettre cette réalité nous mènent au bord de
l¹abîme. Ils feraient bien de faire preuve d¹un peu de responsabilité, et au
moins, de garder pour eux leur opinion, au lieu de rallumer sans cesse ce
cocktail Molotov qui a pour nom Jérusalem.
* Avshalom ("Abou") Vilan est député du parti Meretz (gauche). Maurice
Stroun est chercheur à l¹université de Genève.